Mr Yuan Guo Ben (photo du livre de 1973)
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- Archives de voyage de Maître Tung - République Khmère-
- Archive de la cérémonie funéraire de Maître Tung
- Interview du Dr Hu Wen-Chih
- Interview de M Yuan Guo Ben
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(non complet)
Mr Yuan Guo Ben (photo du livre de 1973)
Il pouvait tout traiter, il n’y avait pas de pathologies qu’il traitait plus particulièrement que d’autre.
À l’époque, les diagnostics de cancer n’étaient pas très répandus, donc a-t-il traité en son temps des cancers ? Je ne le sais pas. Par contre, il a traité des pathologies graves du foie ou des poumons avec de très bons résultats.
Dans le cabinet de Maître Tung, cela se déroulait ainsi : après que le patient soit entré, Maître Tung effectuait quasiment pour tous un diagnostic par l’observation. Il faut entendre par diagnostic par l’observation, l’observation du teint et de la main. Quelquefois, il pouvait (aussi) faire un diagnostic par le pouls. Il pouvait utiliser conjointement ce dernier et les autres diagnostics, mais ce n’était pas pour tous les cas. De manière générale en regardant le Qì Sè 氣色, couleur (teint, aspect), du visage ou des mains, il pouvait avec certitude définir le type de pathologies qu’avait le patient et ainsi pouvait en déduire sa puncture.
Lorsque nous le suivions en clinique et observions à ses côtés, il puncturait presque tous les patients en utilisant une à deux aiguilles, trois ou quatre, tout au plus six à huit aiguilles, ce qui était déjà beaucoup. Il n’utilisait que très rarement autant d’aiguilles. Ses traitements étaient pour la plupart composés d’une à deux aiguilles. Il était parfois obligé d’utiliser la saignée, avec l’aiguille triangulaire. À ce moment-là, il nous autorisait, nous les élèves qui le suivions en clinique, à pratiquer. Il était à côté et nous guidait.
Après que le patient soit entré dans le cabinet, il était reçu dans la salle de consultation. Pour les pathologies internes, Maître Tung examinait le pouls, regardait la langue et les mains. Pour les cas de traitement des douleurs, alors il ne prenait pas le pouls, il regardait le Qì Sè 氣色, couleur (teint, aspect), observait la main et piquait. Pour puncturer, il ne faisait pas se déshabiller les patients. Il les faisait s’allonger sur le lit de consultation ou bien les faisait simplement s’asseoir dans le canapé et il les puncturait. Il utilisait peu d’aiguilles, souvent une à deux, parfois jusqu’à six ou huit. Pour prendre en charge une personne, il ne fallait pas beaucoup de temps, quelques minutes suffisaient. Concernant le temps de rétention d’aiguille, il les laissait environ 45 minutes. Il les « tournait » deux fois, toutes les 15 min et retirait les aiguilles au bout de 45 minutes.
Oui il pouvait prendre les pouls, mais ce n’était pas pour toutes les pathologies qu’il le faisait, il y avait beaucoup de pathologies où il n’avait pas besoin du diagnostic par le pouls. Il posait des questions, observait son patient et comprenait immédiatement la pathologie. Il procédait ensuite à la puncture. Il pouvait également observer l’état de la langue, il utilisait souvent cette méthode. En somme, Maître Tung utilisait le diagnostic par le pouls, mais pas pour toutes les pathologies. Le diagnostic palmaire, lui, était utilisé à chaque fois. Il observait également la langue, le teint et il questionnait aussi ses patients. De toute évidence de toutes ces méthodes, la plus utilisée était incontestablement le diagnostic palmaire. Il était d’ailleurs très souvent, à lui seul, suffisant. Il l’a enseigné aux étudiants. Lorsque ceux-ci posaient des questions il leur répondait.
Le diagnostic palmaire réside surtout dans l’observation des couleurs et des zones de réactions. Par ce moyen, il savait où se situait la pathologie.
Le choix de la saignée ou de la puncture dépendait de la condition du patient. Les pathologies les plus communes étaient traitées à l’aiguille fine. Lorsqu’il devait avoir recours à la saignée alors il la pratiquait (sans hésiter). Il ne prescrivait pas beaucoup de plantes sauf pour les proches ou les patients qui ne pouvaient pas venir souvent. Concernant les parties les plus utilisées, il utilisait souvent les points des jambes (退), mais ce n’était pas obligatoire, cela dépendait des périodes. Il pouvait utiliser les points des jambes pendant deux mois, puis utiliser les points des mains puisque les points des pieds (脚) et des mains peuvent traiter l’ensemble de l’organisme. Il n’y avait pas de règles établies pour l’utilisation des points d’une partie plutôt que d’une
autre. Il pouvait utiliser n’importe quelle partie du corps pour traiter l’ensemble des pathologies ».
[M Yuan Guo Ben ajoute ensuite]
« Les points des jambes étaient tout de même les plus utilisés, mais ceux des membres supérieurs l’étaient aussi. »
« C’était il y a fort longtemps et j’en ai beaucoup oublié, mais je me souviens du cas d’un enfant âgé d’environ deux ou trois ans qui avait eu un abcès. Il avait été opéré selon les techniques de la médecine occidentale, mais sa plaie ne cicatrisait pas et n’en finissait pas de suinter. N’ayant pas de solutions, ses parents l’ont emmené voir Maître Tung. Il piqua le point Zhì wū 制汚 et le soir même la plaie s’est arrêtée de suinter et a pu cicatriser.
Il y a eu aussi le cas d’un patient atteint d’une pathologie très peu commune aujourd’hui que l’on nomme Yáng Máo Shā 羊毛紗. C’est une maladie qui provoque des abcès desquels sortent de longs fils. Il avait traité cette pathologie avec les points du dos et avait retiré les poils, beaucoup… Je pensais que ce genre de maladie était incurable, mais il a réussi à soigner ce patient.
[ Suite de la réponse ]
« Enfin, un jour, un patient s’est présenté. Il souffrait de douleurs lombaires chroniques qu’il avait depuis de longues années. Maître Tung l’a piqué et la douleur s’est dissipée dans l’instant. Il avait conclu par le biais/ en utilisant le … du diagnostic de la paume de main que c’était un problème dû aux influences du canal du Poumon. Il avait alors choisi un point sur la tête et le problème avait été réglé. Ce point, c’était Zhōu jīn 州金, un point très peu utilisé. Il avait eu une inspiration sur le moment. Lorsqu’il buvait de l’alcool, Maître Tung était plus heureux et avait parfois, comme ça, des inspirations. Il a piqué une ou deux aiguilles et le problème a été résolu. »
Plus loin M Yuan dit que : le point Zhōu jīn 州金, « préfecture métal », est, en raison de son nom, associé au Poumon.
Nb : toutes ces méthodes sont des méthodes de puncture que l’on retrouve dans la lignée du docteur Wen-Chih Hu 胡文智, qui affirme que ces techniques lui ont été transmises et définies par Maître Tung lui-même.
Réponse : Non il n’a jamais parlé des 72 aiguilles Jué絕, absolues (singulières) ou bien de la puncture Mǐ Lì 米粒, en grain de riz ou encore des 32 points Jiě解, de résolutions. Il n’y a que deux points qui portent le nom de Jiě xué 解穴 « résolutions point », un sur la main et l’autre sur la jambe. Il n’a jamais parlé de tout ça.
Pour les points du haut et du bas ou les punctures en miroir, il y avait cette utilisation, mais il n’a jamais défini cette technique en ces termes. Ceci précisé, oui, il avait une telle pratique et il pouvait, par exemple, piquer la main pour traiter le pied.
Il utilisait aussi fréquemment la saignée, le diagnostic palmaire.
De la même manière, pour les Bù Dìng Xué 不定穴, points non fixes, il ne les a jamais nommés ou définis ainsi, mais il les a utilisés. Par exemple, les points du dos sont tous des Bù Dìng Xué 不定穴, points non fixes. Il faut observer les zones/points de réactions : le point n’est donc pas alors placé sur les lignes des points Wǔ Lǐng 五嶺, mais peut être décalé. Par exemple dans le traitement des Yáng Máo Shā 羊毛紗, il a utilisé cette méthode de traitement : il ne piquait pas forcément les points eux-mêmes.
Il ne nous a jamais imposé de lire quelques livres que ce soit ou d’apprendre des classiques. Il considérait que si l’étudiant voulait, pour lui-même, étudier telle ou telle matière [tel ou tel document], concernant l’acupuncture, c’était très bien et il ne s’y opposait pas, mais il ne nous a jamais recommandé ou imposé [l’apprentissage] d’une quelconque matière [ouvrage].
Concernant les 14 méridiens (canaux) et les points d’acupuncture [qui leur correspondent] beaucoup de personne pensent que Maître Tung n’était pas très familier de l’acupuncture conventionnelle, mais en réalité il connaissait extrêmement bien cette acupuncture. Pour preuve il a intégré à son ouvrage, une annexe sur la question. Celle-ci est composée d’une sélection des points et des utilisations qu’il en faisait au vu de ce qu’il considérait être relativement efficace. En revanche, il ne nous a jamais imposé ou à l’inverse interdit de faire l’étude des 14 méridiens (canaux).
“Ce que l’on appelle canaux réguliers de Maître Tung, ce sont les canaux propres au système de l’acupuncture Tung. Si l’on considère l’appellation « points extraordinaires hors méridiens », cela positionne l’acupuncture de Tung vis-à-vis des 14 méridiens (canaux), alors que les concepts de l’acupuncture Tung se font en référence à l’acupuncture Tung elle-même. Par exemple, le canal (經) du Cœur, c’est cette ligne sur la cuisse [il décrit d’un mouvement la ligne des points Tōng tiān 通天] ; cette ligne-là, c’est le canal du Cœur, le canal régulier du Cœur. Le canal du Poumon c’est cette ligne-ci, le canal régulier du Poumon [il décrit d’un mouvement la ligne des points Sì mǎ zhōng 駟馬中] le Foie, c’est celle-ci [il décrit d’un mouvement la ligne des points Míng huáng 明黄]. (MaîtreTung) a ses propres Jīngluò avec sa propre distribution de canaux réguliers : les canaux réguliers de maître Tung. Ils sont différents des 14 méridiens (canaux). Si on en parlait comme « les points extraordinaires hors méridiens », on aurait pu facilement les confondre avec les points extraordinaires, hors méridiens conventionnels, ceux à l’extérieur des 14 méridiens (canaux). Il ne fallait pas induire les gens en erreur.” Il dit plus loin (traduction en substance) : « Donc, en réalité, les canaux de maître Tung sont des groupes de canaux formant un système indépendant, ce ne sont pas des Jīngluò répartis de la tête aux pieds, mais des canaux qui se distribuent et se définissent zone par zone. »
Maître Tung ne dispensait pas son enseignement au travers de cours, mais bien au travers de sa pratique clinique. Il recevait ses étudiants durant les heures de consultation, les laissant libres de venir lorsqu’ils le désiraient. Si l’étudiant avait une quelconque question, il était invité à la poser et recevait une réponse de la part du Maître. Ce dernier ne commentait pas forcément ses choix de points, considérant que les étudiants étaient au fait de ce qu’il faisait. Cependant, lorsqu’un cas particulier se présentait, il pouvait expliciter un peu plus et présenter les options. Après la publication du premier livre en 1968, les étudiants ont reçu une copie de l’ouvrage et pouvaient s’en servir comme support d’apprentissage.
Il ne commentait pas particulièrement les informations disponibles dans le livre de 1968, mais si un étudiant avait une question il pouvait la poser à n’importe quel moment, Maître Tung lui répondait.
Il ne répondait jamais ainsi [par un refus]. Il est vrai qu’il n’était pas très loquace, mais si un étudiant lui posait une question, il lui répondait. Je ne l’ai jamais entendu dire « pense par toi-même », « étudie par toi-même ». Il ne parlait pas comme cela. Bien qu’il soit d’un tempérament plutôt discret, et ce, même vis-à-vis de ses patients, son attitude envers les étudiants n’était jamais déplacée. Si le patient ou l’étudiant demandait des explications sur la nature de la pathologie ou sur les points et les traitements, il leur répondait à chaque fois.
Mr Kuo-Pen Yuan 袁國本, répond en substance :
Il était très content de voir les étudiants passionnés et assidus. Il espérait de tout cœur les voir le dépasser.
Non il n’a jamais parlé de quelque livre secret, il n’y a jamais eu de telle chose. Il disait lui-même que son savoir était un savoir qui s’enseignait au sein de sa propre famille, qu’il n’y avait pas à proprement parler de support physique d’informations, mais que, grâce à sa grande capacité de mémorisation, il était en mesure de se souvenir de ce qu’il avait étudié depuis qu’il était enfant. Il disait d’ailleurs qu’il avait commencé à donner des consultations à partir de l’âge de treize, quatorze ans.
Je pense que c’est celle de la transmission familiale. Je me souviens l’avoir lui-même entendu dire que c’était un savoir qui se communiquait au sein des membres de sa famille. Ses aïeux avaient-ils été des médecins de l’empereur ? Je ne l’ai jamais entendu le dire, mais, en fait, je ne le sais pas.
En tout cas, les savoirs qu’il avait lui venaient de sa famille. Concernant le fait que ce soit un style d’acupuncture qui se communique par les femmes pour les femmes je ne sais pas…, mais si c’est le cas, comment y aurait-il eu accès ? Il disait en tout cas qu’il avait commencé à traiter les membres de sa propre famille à l’âge de treize, quatorze ans.
Non, il n’a jamais dit qu’un étudiant avait mieux étudié qu’un autre ou avait des dispositions particulières lui permettant de le représenter ou de lui succéder.
Non il n’y a pas eu de modification des localisations, elles sont toutes restées comme elles apparaissent dans l’ouvrage, par contre il y a eu de très légères corrections concernant les structures anatomiques des points et certaines utilisations, mais extrêmement peu en réalité. Le nom des points non plus n’a pas changé.
Ce sont des rumeurs fausses, j’en veux pour preuve qu’il était capable d’écrire dans son cabinet des prescriptions de plantes. Comment quelqu’un qui ne sait pas écrire pourrait rédiger des prescriptions de pharmacopée. Certes il n’avait sans doute pas reçu une éducation conventionnelle, mais il n’était pas illettré.
Après avoir été admis comme disciple, les étudiants recevaient une copie de l’ouvrage de 1968 et Maître Tung nous invitait à le consulter. Ensuite, lorsque nous avons publié le livre de 1973 c’est celui-ci qui faisait alors référence.
Oui en effet, le livre de 1968 a commencé à circuler, puis un acupuncteur de Hong Kong, Yu-Min Chuang 莊育民 (Zhuāng Yù Mín) a fait paraître en 1972 un ouvrage Zhēn Jiǔ Bié Zhuàn Qí Xué Jí 針灸別傳奇穴集, recueil d’acupuncture des points extraordinaires non transmis, qui reprenait pour la moitié de son contenu toutes les informations du livre de 1968. Maître Tung est ensuite allé porter plainte.
Maître Tung est allé porter plainte. Je l’ai accompagné, mais je ne suis pas très au fait de la manière dont s’est conclue cette histoire.
Non, je ne pense pas.
Non, elles ne le sont pas. Le livre de 1973 est légèrement augmenté, il y a des informations supplémentaires que le livre de 1968 ne contient pas.
Il y en a 3 : le premier celui de 1968, le second de 1973, celui que j’ai aidé à compiler, et à la suite de celui-ci une version compilée par Palden. Ce sont là les trois ouvrages de Maître Tung. Il n’est sans doute plus possible de se les procurer aujourd’hui.
Mr Kuo-Pen Yuan 袁國本, répond en substance avec beaucoup de modestie qu’il ne saurait dire à la place de son professeur les raisons qui l’ont poussé à le choisir.
Non, en effet, ils ne contiennent pas l’ensemble de tous les points, le livre de 1968 constitue une partie de celui de 1973, mais ce dernier ne comprend pas la totalité des points de la famille Tung. Après avoir fini d’assembler les informations du livre de 1973, j’avais demandé à Maître Tung pourquoi il y avait si peu de points et s’il ne fallait pas en rajouter. Maître Tung avait répondu que : « oui », ils allaient en rajouter progressivement dans une deuxième puis une troisième édition.
Je pense que la raison principale de ces ajouts par étape réside dans le fait que Maître Tung composait ces livres sur la base de ses souvenirs et qu’il n’aurait jamais pu rédiger l’ensemble d’un trait. Il écrivait au fur et à mesure de ce qui lui revenait. C’était la même chose dans sa manière de donner ses consultations. À une certaine période il utilisait plutôt tel groupe de points, puis à une autre, un autre groupe de points… à chaque période les points qu’il utilisait étaient différents
Il avait dit 740, et dans ce livre, ils n’y sont pas.
« Maître Tung n’est pas allé à l’hôpital et est décédé chez lui en 1975 le 7 novembre, au mois d’octobre du calendrier lunaire (à 9h du matin). Il avait 60 ans. Les deux années précédant son décès, il était en bonne santé et ne présentait aucun symptôme. Il est mort juste quelques mois après la fermeture de son cabinet. Il était devenu très maigre. Au moment de la réforme sur les licences, il n’avait pas obtenu le diplôme qui lui aurait permis de continuer sa pratique, il ne pouvait passer l’examen. Il savait traiter ses patients et avait de réelles compétences, mais ne pouvait pas passer l’examen. Il a continué à pratiquer jusqu’au dernier jour avant que le décret ne soit appliqué. Je pense qu’il y a un lien très étroit entre sa mort et cette histoire. Un homme avec de telles compétences et de telles capacités qui n’a plus le droit de pratiquer, cela a certainement été un grand choc psychologique ».